Le Frac présente cet été à la Médiathèque de Cavaillon l’œuvre intitulée Mâjnun de Ghada Amer.
Des milliers de mots d’amour déclamés à la bien aimée puis, en raison de cet acte reçu comme un affront par le père écrits dans la solitude du désert, recouvrent la totalité des trois penderies de toile plastifiée. Pas un centimètre n’échappe à l’aiguille qui a brodé dans la patience de longs mois cette litanie amoureuse. « Langage d’ardeur » comme le nomme Ghada Amer, exposé et retenu, immobilisé par l’entrelacs des innombrables fils. Ces penderies ordinairement destinées à n’être que d’utiles et neutres contenants deviennent ici des messagères renfermant l’absence, l’impossible. Penderies sépultures. Mots libérateurs et « engeôleurs ». Délit de folie (auquel renvoie le mot arabe mâjnun) d’avoir livré au dehors sans précautions une intériorité déchirée. Délit exposé ici dans toute sa vérité en couleurs de vie et de mort. La lenteur de l’écriture brodée s’inscrit dans le déchiffrement obligé d’une lecture qui ne peut tout saisir et qui, épelant un à un les mots, trouble et fait vaciller le sens.