S’exposer au dehors

Table ronde avec Catherine Melin

Avec Jean-Christophe Bailly, Thierry Davila, Anna Guilló et Catherine Melin
Modération : Barbara Satre

Cette table ronde souhaite réunir des interlocuteurs qui ont pensé l’importance du point de vue. La pratique artistique de Catherine Melin est de celles qui ne peuvent se passer d’un contexte. Aller au contact du terrain pour en saisir la perméabilité, nécessiterait selon elle de se confronter aux périphéries. Ce déplacement, qui consiste à éprouver les périmètres pour avoir une intense attention au monde, interroge alors nos capacités de décentration.

Catherine Melin déploie sa pratique artistique dans l’espace et cultive les pas de côté. Il s’agit de penser ce qui, dans son processus de création, et au cœur de l’ensemble de son œuvre, relève d’un mode de déterritorialisation. Ce terme porté par Gilles Deleuze et Felix Guattari nommerait ici un changement de contexte, ou de situation, capable de renouveler le regard et les formes. Ce déplacement critique s’opère très concrètement dans cette approche par l’exploration d’espaces publics éloignés ou à la marge, dont les particularités recouvriraient un vécu populaire ignoré. Elle identifie des zones de transition, et c’est dans ces sites difficilement définissables qu’elle trouve des lieux privilégiés de pratique.

Notre table ronde veut questionner cette expérience de la proximité et de l’étonnement – en écho à ce ce que Walter Benjamin appelle « l’expérience du seuil » - dans sa capacité à dégager des systèmes de liaisons, à la fois formelles, esthétiques et symboliques. Cette rencontre se propose aussi de saisir comment ce genre de démarche artistique parvient à nous sensibiliser aux mouvements qui composent trop imperceptiblement le quotidien de nos sociétés. Dans ce prolongement, nous souhaitons faire résonner ce procédé opératoire, et le principe des installations hétérogènes qui en résulte, avec d’autres histoires artistiques.

Nous interrogerons donc cet art du relevé de la plasticité des usages, fondé sur le risque de l’inattendu et une certaine culture de la brèche. Deux endroits de l’en dehors et de la mobilité pourront alors être débattus :

– L’endroit de la recherche artistique ; favorisant le contact direct et immersif avec le terrain, valorisant les vertus du voyage, croisant les approches sociologiques et géopolitiques du paysage.

– L’endroit de l’œuvre ; révélant les étendus du dessin, décloisonnant les espaces d’exposition, guidant le spectateur dans son appréhension des porosités entre l’art et le réel.

Anna Guilló est artiste et professeure des universités à Aix-Marseille Université. Elle travaille notamment sur la cartographie alternative et ses enjeux politiques.

Barbara Satre est directrice de l’Ecole Supérieure d’art d’Aix-en-Provence et co-directrice de la galerie Béa-Ba à Marseille.

Jean-Christophe Bailly est écrivain et poète. Il a fondé et dirigé les revues Fin de siècle et Aléa. Il a également dirigé les collections « Détroits » chez Christian Bourgeois et « 35-37 » chez Hazan.

Thierry Davila est historien de l’art et conservateur de musée. Il est le commissaire de l’exposition Singuliers. Signes, tracés, textures qui sera présentée à l’Imec du 9 juin au 23 octobre 2022. Son ouvrage Franz Erhard Walther : l’usage de la forme. Les années fondatrices (1954-1972) est à paraître aux éditions La lettre volée (Bruxelles).