Katia Kameli

Elle a allumé le vif du passé

Commissaire : Eva Barois De Caevel
Exposition organisée dans le cadre de la Saison Africa2020, avec le soutien d’Axian et de la Fondation H.
En partenariat avec les Rencontres d’Arles dans le cadre du Grand Arles Express.

Elle a allumé le vif du passé est une exposition monographique, dans le cadre du Focus Femmes de la Saison Africa2020, de l’artiste et réalisatrice franco-algérienne Katia Kameli. La pratique de Katia Kameli se fonde sur une démarche de recherche : le fait historique et culturel alimente les formes de son imaginaire plastique et poétique. Dans le cadre de cette Saison panafricaine dédiée à présenter le point de vue de la société civile africaine du continent et de sa diaspora, il semblait nécessaire, et plus encore à Marseille, de partager l’œuvre d’une artiste qui se consacre à l’écriture visuelle de l’histoire algérienne, en France et en Algérie, depuis déjà deux décennies.

Katia Kameli, image extraite de Le Roman Algérien - Chapitre 3, 2019, Vidéo HD, 45 min.
© Katia Kameli, ADAGP, Paris, 2020.

Au plateau 1, Katia Kameli présente pour la première fois en France, sous la forme d’une installation inédite, une trilogie de films, Le Roman algérien, pensée comme une immersion dans l’histoire algérienne et dans la mémoire des hommes et des femmes au travers d’une collection d’images et de documents.
Le chapitre 1 se déroule rue Larbi Ben M’Hidi, à Alger, où Farouk Azzoug et son fils tiennent un kiosque nomade où sont vendues des images, sous forme notamment de cartes postales. Cette collection éclectique, apparemment classée aléatoirement, qui illustre des aspects de l’histoire pré-coloniale, coloniale et post-coloniale, autorise beaucoup d’associations.
Dans le deuxième chapitre, la philosophe des images Marie-José Mondzain nous offre une relecture du chapitre 1 du Roman algérien, puis observe et analyse une autre matière visuelle, celle des rushes collectés au cours du tournage du premier chapitre.
Née en Algérie, Mondzain s’intéresse à cette matière comme à ce qui est en attente de sens dans le débat de la communauté.
Dans le chapitre 3, elle pénètre l’image : fidèle à son approche critique, elle s’efforce de déceler le signifiant dans ses premières tentatives avortées d’accéder aux iconographies d’un roman national et familial. Les manifestations du Hirak apparaissent en contrepoint des investigations menées tout au long du film. Plusieurs figures se croisent : la photographe-reporter Louiza Ammi, la romancière et réalisatrice Assia Djebar. Ce sont des mots d’Assia Djebar qui donnent aussi leur titre à l’exposition.

L’exposition se poursuit au plateau 2 avec l’installation Stream of stories conçue spécifiquement pour l’espace du Frac. Stream of stories est une exploration des origines orientales des fables de Jean de La Fontaine, qui commence en Inde et se poursuit en Iran et au Maroc pour finir en France. Le dispositif comprend des vidéos, des fac-similés de manuscrits originaux qui représentent différents jalons historiques des fables, du Pañchatantra aux Fables de La Fontaine, ainsi que des sérigraphies et collages numériques. Les deux derniers chapitres vidéo de Stream of stories poursuivent les recherches engagées dans les volets précédents autour des origines et des évolutions du Kalîla wa Dimna, l’un des textes les plus connus de la littérature arabe médiévale et l’un des plus illustrés du monde islamique. Ils mettent en scène la comédienne Clara Chabalier qui incarne à la fois une conteuse et le médecin Borzouyeh, premier traducteur du sanskrit vers le pahlavi du Pañchatantra (un recueil de contes et de fables dont serait issu le Kalîla wa Dimna).
En réponse à l’invitation de la commissaire générale de la Saison, l’exposition propose un regard africain, et plus précisément nord-africain et algérien, sur la constitution de grands récits du continent et sur leur circulation internationale, mais aussi sur l’écriture de l’histoire algérienne. L’œuvre de Katia Kameli pose spécifiquement la question de la place des femmes au sein de ces histoires et de cette histoire, et se préoccupe de leur statut d’autrices, de créatrices, de témoins, ou de commentatrices. L’exposition espère aussi réagir aux cinq grands thèmes de la Saison — oralité augmentée, économie et fabulation, archivage d’histoires imaginaires, fictions et mouvements (non) autorisés et systèmes de désobéissance — en déployant ainsi à Marseille les films de Katia Kameli, traversés par l’ensemble de ces questions.
Eva Barois De Caevel, commissaire de l’exposition