Le Frac fait œuvre commune avec Aix-Marseille Université

Festival du 12 au 15 octobre 2021.
Bâtiment Turbulence site Saint-Charles du Campus Centre d’Aix-Marseille Université.

Qui le sait ? Le Frac Provence-Alpes-Côte d’Azur est riche d’une très importante collection d’œuvres vidéo. Ce fonds de 129 films, qui s’enrichit d’année en année, offre un regard essentiel sur l’évolution de ce médium dans la création contemporaine. Pour le mettre en valeur et le sortir de ses réserves, un partenariat astucieux a été mis sur pied avec Aix-Marseille Université, AMU : un workshop grandeur nature avec exposition à la clé.

Vincent Ceraudo, The distance between the viewer and I (part I & part II), 2014.
Collection Frac Provence-Alpes-Côte d’Azur.

Dans le cadre d’un partenariat initié en 2020, il a été imaginé d’utiliser le fonds vidéo du Frac Provence-Alpes-Côte d’Azur pour un projet commun : un véritable travail de commissariat d’exposition conduit par des étudiants du master Arts plastiques et Sciences de l’art. « Nous avons envie de porter à la connaissance du plus grand nombre les œuvres que nous abritons, commente la direction du Frac. Et d’instiller davantage de recherche dans nos compétences. » Dès lors, rien de plus logique qu’un rapprochement avec l’université et ses multiples départements et compétences.

Trouver la clé de voûte
La règle du jeu est simple. Une présélection de 27 œuvres vidéo acquises entre 2015 et 2020 a été effectuée par Cécile Coudreau, responsable de la programmation en région du Frac Provence-Alpes-Côte d’Azur. La plupart d’entre elles offrent un regard sur le monde – il peut s’agir d’enjeux sociétaux et/ou de la formation d’un imaginaire contemporain. Leur longueur est variable, entre 3 et 90 minutes. Après leur visionnage et la mise en œuvre d’une réflexion collective, les étudiants sont invités à cerner et documenter une question spécifique – un dispositif filmique particulier, une thématique, une construction temporelle, un récit fictionnel, une élaboration documentaire, etc. Il leur faudra ensuite découvrir le lieu qui accueillera l’exposition. Repérer ses spécificités, envisager l’implantation des œuvres, imaginer les regards, répartir les moniteurs.

Une responsabilité inédite
Je rencontre la vingtaine d’élèves impliqués dans le projet au Frac, par une après-midi de janvier. Ils sont là pour visionner une partie de la sélection, accompagnés de Fabien Faure, maître de conférences à Aix-Marseille Université, critique et historien de l’art. « Ils se confrontent à une question centrale : que fait-on avec les œuvres d’art ? La responsabilité du commissaire d’exposition envers les artistes et leurs œuvres est grande ! pointe l’enseignant. Le niveau d’exigence de l’exercice est élevé… » Il souligne encore « l’intérêt de passer derrière le décor, de découvrir toute une palette de métiers de l’ombre : la médiation, la régie, la technique… » Et puis, en ces temps de Covid qui minent bien des étudiants, cette sortie est l’occasion d’une échappée. Ceux qui sont embarqués dans le projet peuvent enfin tester grandeur nature leur cohésion, leur capacité à mettre en commun. Au-delà du groupe Facebook qu’ils ont créé.

Les défis du penser collectif
Parmi les étudiants, les profils sont très variés. Il y a par exemple Laurie, 35 ans, infirmière libérale qui avait, plus jeune, suivi une licence d’arts plastiques. Elle a déjà visionné une partie des vidéos : « Heureusement que c’est en trois temps ! Il y a des choses ultracontemporaines. D’autres plus conceptuelles. Certaines sont axées sur la mémoire, d’autres sont plus politiques et les esthétiques sont très variées. Certaines nous parlent et d’autres pas. L’intime, le personnel et le récit individuel interagissent… » Inès, elle, est une jeune Arlésienne de 22 ans. Elle évoque la vidéo The Digger, d’Ali Cherry, qui parle d’un site archéologique à côté d’Abou Dabi avec de très belles images, beaucoup de poésie. Sa préférée à ce moment-là. « Chacun a son regard. C’est un challenge d’accéder à des certitudes comme de défendre ses idées. » Julien a un an de plus qu’elle. « Jusqu’à présent, il s’agissait de nos propres travaux et d’enjeux prédéfinis. Là nous avons l’occasion de travailler un autre matériel, apprécie l’étudiant. Et je découvre que respecter l’intention d’autres artistes n’est pas forcément évident. Surtout, il faut en trouver une lecture pertinente. » Lui a adoré la Vie héroïque de B.S. : As a tribute… de Hoël Duret, qui tente la synthèse d’un siècle de création industrielle.

Des connexions évidentes
Le Frac se présente donc comme un labo partenaire idéal, qui offre matière première, compétences et bienveillance. Maryline Crivello, première vice-présidente de l’AMU, historienne et passionnée d’art, s’en réjouit. « Il faut dépasser les murs, décloisonner les savoirs, travailler avec les autres acteurs de son territoire », exhorte-t-elle. Avant de poursuivre : « Pour ce faire, il est nécessaire de créer les lieux et dispositifs qui s’y prêtent, permettent la rencontre des publics et favorisent le débat. » À ses côtés, Robert Fouchet, conseiller du président d’AMU en charge de la culture, renchérit : « Mon idéal est l’université belge de Louvain. De gros budgets y sont dédiés à la culture, avec des concours, des prix, des réflexions, des expositions. Il y a mille pistes à explorer ! » Quant à savoir quel fil rouge sera déroulé et quelles œuvres ont été sélectionnées… Il nous faudra attendre la rentrée universitaire prochaine et l’accrochage prévu en octobre 2021 pour satisfaire notre curiosité. Ce sera pour nombre d’entre nous l’occasion de découvrir le site Turbulence, sur le campus Saint-Charles, au cœur de Marseille et d’Euroméditerranée.

Nathania Cahen
Mai 2021
pour Marcelle média et pour Ce même monde